28 Novembre 2017

[CLIMAT] Quand les espèces marines ont besoin d'espace

Par effet boule-de-neige, le réchauffement des océans entraîne une modification globale des conditions de vie des espèces marines. Couplé à la surpêche, ce phénomène est inquiétant pour l’avenir de certaines espèces.
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Le thon fait face aux effets conjugués du réchauffement climatique et de la surpêche © iStock

Evoluant dans un environnement fortement influencé par les fluctuations du climat, les ressources marines sont soumises naturellement à de multiples variations, que ce soit à l’échelle saisonnière ou lors phénomènes à plus long terme tels que El Niño dans l’océan Pacifique ou l’oscillation nord-Atlantique (NAO). « Jusque-là, les espèces se sont adaptées », explique Patrick Lehodey, responsable de la modélisation des écosystèmes marins chez CLS, filiale du CNES spécialisée dans la fourniture de solutions d'observation et de surveillance de la Terre. 

Mais à ce genre de variabilité naturelle s’ajoute maintenant l’impact du changement climatique qui entraîne une modification globale des conditions de vie dans l’océan très rapide à l’échelle de l’évolution des espèces.

Le réchauffement des eaux lié au réchauffement climatique a en effet des répercussions sur toute la physique et la biochimie des océans : les courants, l’acidité des eaux, la concentration en oxygène dissous, qui impactent la production primaire et tous les échelons trophiques supérieurs. 

Déplacement des zones d’habitat

Pour mesurer les conséquences du réchauffement sur l’évolution de la ressource halieutique, CLS a développé un modèle d’écosystème incluant les populations de thon et espèces associées comme l’espadon ou les marlins. Ce modèle retrace leur histoire récente sous les influences combinées de l’accroissement de la pêche industrielle et de la variabilité environnementale.

Une fois validés sur la période historique, ces modèles permettent de faire des projections dans le futur, à partir des scénarios développés par le Groupe d’experts environnementaux sur l’évolution du climat (GIEC). « Les premiers résultats de ces projections diffèrent selon les espèces, précise Patrick Lehodey. Le modèle prévoit des déplacements de zones d’habitat favorable, par exemple du Pacifique équatorial ouest vers le Pacifique centre et est pour les espèces tropicales comme la bonite ou le thon albacore, ou des eaux tropicales vers des latitudes plus élevées pour des espèces plus tempérées comme le thon germon. Un résultat reste constant cependant : cette trajectoire purement liée au changement climatique s’ajoute à l’impact de l’exploitation, qui reste dominant. Nous devons désormais intégrer des projections sur la pêche à ces projections sur l’environnement. » 

De fait, une surexploitation conjuguée aux effets négatifs de l’environnement conduit à une forte diminution des stocks de poissons. C’est ce qui s’est produit par le passé pour la morue, sur les bancs de Terre-Neuve, et menace aujourd’hui le thon obèse  « patudo », une espèce pour laquelle les prévisions ne sont pas favorables.

Les données satellitaires au cœur de la validation des modèles

Les technologies spatiales offrent des outils indispensables à l’élaboration et à la validation de ces modèles. Ceux-ci se basent en effet sur des données de captures fournies par les pêcheurs, mais aussi sur le suivi des animaux marins par le système Argos et sur les données d’océanographie spatiale (température, anomalie du niveau de la mer, couleur de l’eau). L’altimétrie, en particulier, joue un rôle essentiel, conclut Philippe Gaspar, responsable innovation et produits gestion durable des pêches de CLS :

L’altimétrie est la mesure essentielle qui nous permet de prévoir l’évolution de l’état de l’océan et cette prévision est indispensable pour pouvoir prévoir correctement l’évolution des populations de poissons.

Le rôle du CNES

L’impulsion donnée par le CNES, en coopération avec la NASA, au développement de la filière altimétrique, initiée par les programmes Topex-Poseidon puis Jason, est décisive pour l’émergence de l’océanographie opérationnelle. Le CNES est également, avec l’agence américaine NOAA, à l’origine du système de localisation et de collecte de données Argos, incontournable aujourd’hui pour observer les mouvements des animaux marins.

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