3 Juin 2015

Un peu de vulgarisation : le voyage interplanétaire

Présentation détaillée du fonctionnement du voyage interplanétaire

 

Comment ça marche... un voyage interplanétaire ?

Mars, 56 millions de km de la Terre au minimum
Saturne, 1,2 milliards de km
Neptune, 4,3 milliards de km
Comment une sonde rejoint-elle une planète aussi lointaine ?

L’exploration planétaire, en particulier celles du système solaire externe, pose le problème de la distance à parcourir, et par suite de l’énergie et de la durée du trajet.

Sur Terre, le chemin le plus court entre 2 points – et donc le plus économique – est la ligne droite. Sur Terre, tout véhicule se déplace grâce à un système de propulsion. Mais l’expérience de nos déplacements terriens, aussi longs soient-ils, ne nous est ici d’aucun recours et nous induit en erreur.

En effet, les lois de l’espace, bien plus subtiles, ainsi que les limitations techniques, nécessitent d’autres stratégies…

Distances minimales des planètes au Soleil :
Vénus : 107 400 000 km
Mercure : 45 900 000 km
Terre : 147 100 000 km
Mars : 207 000 000 km
Jupiter : 740 000 000 km
Saturne : 1 346 400 000 km
Uranus : 2 742 000 000 km
Neptune : 4 460 000 000 km
Pluton : 4 425 000 000 km

Quitter la Terre

En premier lieu, il s’agit de trouver le moment opportun pour s’élancer vers sa cible. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne correspond pas au moment où les 2 planètes sont face à face. D’une part, s’arracher verticalement de la Terre demande énormément d’énergie. D’autre part, tous les corps se déplacent les uns par rapport aux autres ; la planète visée ne sera plus forcément au rendez-vous lorsque le vaisseau coupera sa trajectoire.

La première idée consiste à déterminer la fenêtre de tir en tenant compte du mouvement des corps. L’engin spatial se dirige ainsi vers un point de l’espace qui est totalement inoccupé au départ. La sonde est injectée sur une orbite solaire qui coupera au bon moment l’orbite de la planète visée.


Parcours de la sonde européenne MARS EXPRESS. Lancée en juin 2003, elle coupe l'orbite de Mars en décembre pour se mettre en orbite autour de la planète rouge.
Source : ESA

Visualisation de la trajectoire de MARS EXPRESS (site de l'ESA)

Notre planète se déplace à la vitesse de 108 000 km/h dans sa course autour du Soleil. Par ailleurs, un objet situé près de l’équateur se déplace à une vitesse de 1 650 km/h par rapport au centre de la Terre et à une vitesse quasi-nulle s’il est près des pôles.

Lors du lancement, il est donc très important de tirer profit de la vitesse que fournit la Terre lors de sa rotation sur elle-même et de sa révolution autour du Soleil. Le choix de la base de lancement influe directement sur la quantité d’énergie à fournir.

Jargon

La vitesse de libération  
Pour pouvoir échapper à l’attraction de la Terre, une sonde doit bénéficier d’une impulsion suffisante : la vitesse de libération est la vitesse minimale théorique que doit atteindre un corps à une altitude donnée pour s’éloigner définitivement de la Terre.
A partir de la surface, s’il n‘y avait pas d’atmosphère, un boulet de canon devrait ainsi être projeté verticalement à la vitesse de 11,2 km/s pour ne plus jamais retomber. En pratique, la vitesse de libération, communiquée à la sonde par le lanceur, est calculée en fonction de l’altitude au point d’injection. A 36 000 km d’altitude, elle ne vaut ainsi plus que 4,3 km/s. 

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Les principaux sites de lancement dans le monde. Le port spatial de l’Europe de Kourou, en Guyane française, dispose d’une situation idéale en raison de sa proximité de l’équateur (5,23 ° de latitude nord).
Crédits : CNES

Utiliser les ressources de l'espace

Une fois la sonde propulsée dans la bonne direction, il lui reste à parcourir une distance pouvant être très longue.

Pour se déplacer, une sonde n’utilise que les lois de l’espace auxquelles elle est soumise pendant son voyage. En orbite autour du Soleil où des planètes qu’elle rencontre, elle se déplace grâce à la gravitation universelle.

La stratégie de l’exploration interplanétaire consiste donc à profiter de l’attraction mutuelle des corps pour diriger les sondes et ajuster leur vitesse.

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La sonde Mariner 10 lancée en 1973 a été le premier engin à jouer de la gravitation pour modifier sa trajectoire et ainsi aller de Vénus à Mercure. A droite, la trajectoire incluant le survol de Vénus. A gauche, la trajectoire directe vers Mercure, nécessitant un lanceur beaucoup plus puissant.

Animation : principe de l'assistance gravitationnelle (CNES)
Animation : trajectoires de quelques sondes (ESA)

Un engin peut cependant être dotés de moteurs, qui ne sont utilisés qu’occasionnellement pour effectuer de petits changements de trajectoire, de plan orbital ou d’orientation.

Un billard cosmique

Sans dépense d’énergie supplémentaire, une sonde peut modifier sa trajectoire, sa vitesse et même son inclinaison par rapport au plan de l’écliptique. Elle utilise pour cela un principe directement lié aux lois de la gravitation universelle qu’on appelle l’assistance gravitationnelle.

Lorsque l’engin passe à proximité d’une planète, il entre dans sa zone d’influence. L’attraction qu’il subit a pour conséquence de le faire “tomber” vers l’astre : sa trajectoire se courbe et sa vitesse augmente. La sonde contourne la planète et s’en éloigne en perdant autant de vitesse qu’elle en a gagné à l’arrivée. La manœuvre n’est pas nulle pour autant : la planète, en se déplaçant autour du Soleil, a communiqué une partie de sa vitesse à la sonde.

Animation : Principe de l'assistance gravitationnelle

La modification de vitesse et la déviation de la trajectoire de l’engin dépendent de la masse de l’astre survolé, de l’altitude du survol et de la vitesse relative à laquelle la manœuvre s’effectue. Si le survol s’effectue dans le sens de déplacement de la planète autour du Soleil, la sonde gagne de la vitesse. Si le survol s’effectue dans le sens inverse, la sonde perd de la vitesse.

La trajectoire est à l’évidence calculée très précisément à l’avance afin que l’engin survole les planètes qu’il rencontre sans s’y écraser...

Cette technique est utilisée dans la plupart des missions planétaires. A titre d’exemple, sans l’assistance gravitationnelle de Jupiter, la sonde VOYAGER n’aurait jamais pu rencontrer Saturne puis Uranus et Neptune. La sonde GALILEO a quant à elle utilisé l’assistance gravitationnelle de Io, satellite de Jupiter, pour décélérer et pouvoir ainsi s’insérer en orbite jovienne.

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La sonde Cassini-Huygens, devant se mettre en orbite autour de Saturne en 2004, a effectué 2 survols de Vénus en 1998 et 1999 et un survol de la Terre en 1999. La vitesse ainsi acquise lui a permis d’atteindre le système solaire externe. Enfin, une dernière assistance gravitationnelle autour de Jupiter en 2000 lui a fourni l’énergie nécessaire à rejoindre Saturne.

CASSINI-HUYGENS orbit (ESA website)

Le saviez-vous ?

Orbites de transfert, voyages en classe économique
Pour passer d’une orbite circulaire à une autre, dans le même plan et le même sens de parcours, la manœuvre la plus économique consiste à décrire une demi-ellipse, une extrémité étant tangente à l’orbite initiale et l’autre à l’orbite finale. Le transfert de Hohmann – c’est le nom de la manœuvre - ne nécessite en théorie que 2 impulsions. Ce type de transfert est utilisé pour la mise à poste de satellites géostationnaires ou encore pour effectuer le voyage Terre - Mars.

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Transferts de Hohmann. Crédits : CNES


Voir aussi

Approfondir